
Ce n’est qu’un au revoir…
Elle était tellement heureuse madame Appoint. Elle avait réussi à faire quelque chose qui ne se faisait plus dans la famille depuis des années. Elle avait réussi à réunir toute sa famille pour Noel. Et même si nous étions en réalité en novembre parce qu’avec les contraintes des uns et des autres, ça avait été la seule date possible, elle avait été bien contente de trouver un week-end où tous les réunir. Au début elle pensait qu’ils ne seraient « que » dix-sept, mais quand les derniers avaient vu que tout le monde avait fait un effort pour se libérer ce week-end de novembre, ils avaient aussi remué ciel et terre pour être de la partie ! Elle était bien gênée, madame Appoint, en nous rappelant pour dire que finalement ils seront 23 puis une autre fois qu’en fait ça serait 25, mais que là c’était vraiment le maximum parce que tout le monde avait dit oui !
Il a fallu mettre à disposition tout le gite, toutes les chambres d’hôte, bouger un peu les meubles dans la salle à manger, rapatrier des tables et des chaises pour que tout le monde puisse s’assoir pour manger, mais lorsque le premier était arrivé, tout était prêt et le poêle ronronnait déjà. Elle en était toute émue madame Appoint. Du soin que l’on avait pris pour rendre la chose possible, mais encore émue d’avoir réussi son exploit ! Il avait des grands-parents, des oncles, des tantes, des enfants des cousins, des neveux et des nièces. Il y avait la joie des retrouvailles. Habituellement on n’arrive à réunir la famille au complet que pour les enterrements ! Mais là, on allait faire la fête et quelque chose de bien ! Mais avant cela, elle avait voulu nous remercier, au moins une dizaine de fois et nous expliquer d’où venait chaque membre de la famille. Il y en avait dans les Alpes, dans le Bordelais, à Paris, en Bretagne à Toulouse. Mais il y en avait qui la semaine suivante partaient s’installer en Australie et d’autres qui n’étaient revenus en France que depuis quelques jours. Ce n’était pas Noel mais c’était un sacré cadeau d’être tous là !
Bien sur ils ne pouvaient rester que le temps du week-end parce qu’il fallait bien retourner au boulot lundi. Mais personne n’est parti avant les autres. Chacun est resté jusqu’à la dernière minute pour profiter de ce moment de retrouvaille. « Il faudra remettre ça » « Oui dès l’année prochaine » « On était bien ici, c’est ici qu’il faudra revenir ! » Pour un peu on allait prendre la réservation un an à l’avance ! Alors on s’est dit au revoir, mais sans se dire adieu…
Le lendemain, monsieur Appoint nous rappelait déjà ! Pas pour réserver non… juste parce que dans la précipitation du rangement, il était parti avec un de nos couteaux à découper la viande. Il voulait nous prévenir, pour qu’on ne le cherche pas, et voir comme nous le renvoyer. Et puis il voulait nous remercier encore de ce merveilleux week-end en famille et nous dire une nouvelle fois qu’ils voulaient revenir l’année prochaine. On a pris les remerciements, on a un peu hésité pour le couteau, après tout cela valait-il la peine de le renvoyer ? Et puis il n’aurait qu’à nous le rendre l’année prochaine après tout ! Mais il insistait, il était gêné de l’emprunt alors on a dit que oui, s’il voulait il pouvait le renvoyer mais dans un colis le moins cher possible.
On n’a rien reçu les jours suivants et on ne l’a même pas remarqué. En fait on l’a remarqué quand madame Appoint nous a rappelé, une semaine après son séjour. La joie avait complètement disparue de sa voix, elle retenait ses pleurs. Elle voulait nous dire que Joseph, son mari, venait de mourir d’une crise cardiaque. Elle voulait nous le dire… et elle voulait nous renvoyer notre couteau… comme elle aurait exhaussé les dernières volontés de son mari…