
C’est celui qui dit qui y est !
Le client de chambre d’hôte est curieux. Il aime connaitre l’envers du décor, ces petits plus qui lui confirment qu’il a bien fait d’être ici plutôt que dans une chambre d’hôtel. Parmi les histoires donc il raffole, il y a bien sur celles qui concernent notre changement de vie lui-même, pourquoi ? comment ? et avant ? etc… mais le client de chambre d’hôte est aussi narcissique ; il aime qu’on lui parle de lui-même. Mais comme il ne peut pas nous demander frontalement ce que l’on pense de lui, si on trouve qu’il est un bon client de chambre d’hôte, histoire de savoir s’il va avoir une bonne note sur le « Tripadvisor client », alors il contourne le problème. « Est-ce que parfois vous avez des clients pénibles ? ». Parce que bien sur le fait de poser la question l’exclut d’emblée de cette catégorie !
Mais pour répondre à cela il faudrait se mettre d’accord sur ce qu’est un client pénible… Est-ce qu’un client qui n’a manifestement pas la même vision politique du monde que moi est forcément pénible ? A priori non, même si intérieurement ça me fait bouillir parce j’ai l’intime conviction cela nous emmène droit dans le mur (comment ça ? quelqu’un qui ne pense pas comme moi pourrait avoir raison ?).
Est-ce qu’un client pénible c’est un client qui prend une douche pendant son séjour m’obligeant à la nettoyer à son départ ? Parce que c’est quand même pénible de savoir que 43% des français ne prennent pas de douche tous les jours (enquête BVA de 2015) mais que le jour où ils décident d’en prendre une c’est forcément pendant leur séjour à l’Aupenade ! Mais bon, je serais quand même un peu gonflé de les classer dans les clients pénibles !
Mais alors, est-ce qu’un client pénible, c’est un client qui mange son croissant au petit déjeuner ? Parce que s’il ne le mange pas, il sera pour moi. Donc c’est un peu pénible tous ces clients qui mangent leur croissant le matin ! En même temps, ils l’ont payé ce croissant, alors je ne peux pas trop me plaindre… A la limite je pourrais classer en catégorie « pénible » celui qui mange deux croissants alors qu’il n’y en a qu’un par personne et qui -quand je lui fais remarquer- me dit que « oui, mais comme je ne mange pas de pain j’ai laissé mon morceau pour celui qui n’aura pas de croissant ! ». Trop aimable…
Alors bien sûr pour dresser le portrait-robot du client pénible on pourrait demander à Marie-Hélène, parce qu’elle commence à avoir une sérieuse idée de la question ! En introduction elle vous dirait surement que le client pénible c’est celui qui arrive à l’Aupenade en se plaignant qu’on est vraiment dans un trou difficile à trouver tout en précisant qu’il ne s’est pas donné la peine d’allumer son GPS. Et puis ça serait aussi ce client qui annonce ne vouloir qu’une petite soupe ce soir en table d’hôte -comme si on pouvait vivre en vendant des « petites soupes »- et qui le soir même va s’empiffrer entrée/plat/fromage/dessert avec rab à chaque plat, parce qu’il n’a aucune volonté, parce que notre cuisine est irrésistible (si si !) mais surtout parce que si c’est compris et donc payé on va quand même pas gâcher ! Elle vous dirait probablement que le client pénible arrive bien avant l’heure prévue pour l’accueil en disant « désolé on est arrivé bien avant l’heure prévue pour l’accueil… ». Mais à l’inverse elle classera aussi dans la catégorie « pénible » celui qui nous annonce, après réservation, qu’il arrivera vers une heure du matin en précisant « j’espère que ça ne bouscule pas trop vos habitudes ? » Non bien sûr, tous les jours nos clients arrivent à une heure du matin ! Et puis si vous la laissez continuer, elle rangera également dans la même case ces clients qui osent à peine s’installer, qui s’excusent de nous donner du travail, qui ne veulent pas salir, qui refont leur lit en partant, qui veulent faire la vaisselle comme à la maison parce que « vous savez on est des gens simples, on a l’habitude », qui vont presque s’excuser d’être en vacances chez nous alors qu’on a des enfants à s’occuper…
Mais si moi je devais vous donner ma définition du client pénible, je vous dirais bien que ça serait un client qui pose la même question que les cent clients avant lui. Par exemple un client qui me demanderait : « Est-ce que parfois vous avez des clients pénibles ? » …