
En forme de manifeste 2/2
Ce billet est la suite de celui de la semaine dernière. Je ne peux que vous conseiller de le lire avant si vous voulez comprendre ce qui va suivre !
Il y a par exemple la manière dont nous entretenons le terrain et le jardin. Aucun produit naturicide, quasiment plus de labour du jardin, une taille très douce des arbres, quelques zones laissées à l’état sauvage pour les nidifications. Une sorte de vent de permaculture sans toutefois en détenir les codes. Il ne nous restait plus qu’un petit pas, que nous avons franchi pour devenir refuge LPO (Ligue de Protection des Oiseaux). En fait les oiseaux étaient là et en nombre bien avant notre arrivée, nous n’avons fait que mettre un petit panneau « soyez les bienvenues ! » pour rendre leur séjour un peu plus agréable encore.
Il y a ce petit jardin partagé que nous avons installé à proximité du gite dans l’esprit de l’association « incroyables comestibles ». Les légumes sont là, entretien qui veut, se sert qui veut parmi nos clients. Un moyen parmi d’autres de se reconnecter avec la nature et les saisons.
Il y a notre adhésion à la monnaie locale de notre secteur. Bien sûr, il s’agit davantage de soutenir l’association porteuse du projet que de réellement faire circuler cette monnaie chez nous : dans le secteur de l’hébergement touristique nos clients viennent forcément de plus loin que la zone de circulation de cette monnaie locale. Mais cette idée est tellement pertinente et vertueuse qu’elle ne pouvait que nous séduire !
Et puis nous avons trouvé une autre manière de faire fonctionner ce modèle d’économie circulaire locale. A l’Aupenade, et c’est là notre plus grande fierté, plus de 90% de ce qui est consommé à table -coté pro comme perso- est maintenant issu de circuits économiques vertueux et parmi ces produits-là très grande majorité à été cultivé à moins de 50 km de là. Qu’est ce que c’est un circuit économique vertueux ? C’est un modèle économique qui rémunère de manière juste le producteur pour son travail. C’est un modèle économique qui laisse l’argent issu de l’économie réelle circuler au sein de cette économie sans l’envoyer dans des paradis fiscaux, des sièges sociaux, des actionnaires ou des grands patrons. C’est une économie qui fait du bien à votre santé, qui fait du bien à votre voisin, qui fait du bien à la planète. Bref c’est une économie à l’opposé de la grande distribution et du modèle capitaliste ! Bien sûr, c’est là aussi un choix de vie compliqué. Cela veut dire qu’il va falloir faire comprendre aux enfants, et aux clients que le Nutella c’est fini, pareille pour les céréales ultra-transformées. Plus d’oranges, qui poussent très mal dans le coin et pour les tomates, on attendra que ce soit la saison ! Venant de destinations lointaines, il ne nous reste guère plus que le sucre de canne, le chocolat, le thé et le café. Mais au moins ils sont bio ou équitables !
Et pour aller encore plus loin -et aussi se faciliter la vie- nous avons ouvert au Domaine une Ruche qui dit Oui ! Derrière ce nom curieux se cache un réseau national de promotion des achats alimentaires en circuit-court. Nous avons convaincu une grosse vingtaine d’agriculteurs et producteurs du coin de monter ensemble une sorte de marché éphémère. Les gens des alentours passent leur commande de produits locaux sur internet, là où toutes les semaines nos producteurs mettent à jour leur catalogue de produits de saison et fixent le prix juste de leur travail. Et le mercredi tout le monde -clients et producteurs- se retrouvent au domaine pour la distribution de ces produits. Rien de ce qui passe alors de mains en mains n’a parcouru plus de 50 km !
Pourtant nous savons bien que nous n’éteindrons pas l’incendie planétaire avec notre seule petite goutte d’eau, même si nous sommes persuadés de son importance. Nous savons que nous avons besoin de beaucoup d’autres personnes avec beaucoup d’autres gouttes d’eau, dans l’espoir qu’un jour -pas trop tard quand même car il y a urgence- tous ces porteurs de gouttes d’eaux finissent par mettre dans l’urne le bulletin de vote qui permettra d’arrêter définitivement les pyromanes qui aliment l’incendie. Alors comme le reste du domaine, notre table d’hôte s’est aussi politisée avec le temps. Évidemment il ne s’agit pas d’organiser chaque soir un meeting autour du rôti de porc, mais de susciter la discussion autour de nos choix de vie et de combattre au passage quelques idées reçues sur le sujet. Et ça tombe bien car nos clients, les histoires de changement de vie, ils en raffolent et des idées reçues ils en ont par paquets de dix ! « Oui mais la voiture électrique c’est pour la ville et moi je suis à la campagne ! » Ah oui ? Parce que nous, on vit à la ville peut-être avec notre Zoé ? « Oui mais moi je suis en ville alors je n’ai pas accès a des producteurs locaux facilement comme vous ! ». Sauf si on prend conscience que toutes ces organisations qui facilitent l’accès aux circuits courts comme La ruche Qui Dit Oui, le Drive fermier, les marchés de producteurs où que sais-je encore sont bien plus nombreux à la ville qu’à la campagne parce que c’est là que sont les clients et que justement ils n’ont pas forcément accès à ces produits sans cela ! « D’accord mais se nourrir sainement ça coute plus cher ! » Non ça ne coute pas plus cher si on ne gaspille rien, si on diminue un peu sa consommation de viande et si on prend un peu de temps pour cuisiner. « Mais si on ne va pas dans les grandes surfaces, ça va supprimer des emplois ! » Oui principalement des emplois que vous ne souhaiteriez pas à vos enfants et comme chaque emploi créé dans la grande distribution supprime entre 2 à 3 emplois ailleurs, avec un peu de chance on arrivera à recréer les emplois supprimés avec le temps !
Des excuses pour ne pas agir il y en a des tonnes, mais lesquelles sauront nous répéter droit dans les yeux à nos petits-enfants lorsque le monde sera ravagé par ce dérèglement climatique. « Désolé petit, ta vie ne sera pas marrante parce que je préfère réchauffer au micro-onde une barquette de plat préparé industriel plutôt que de prendre un peu de temps avec Mamie pour cuisiner. Mais tu comprends, grâce à ça on a le temps de partir en voyage à l’autre bout du monde pour cramer les dernières gouttes de pétrole de la planète et remettre encore un peu de CO2 dans l’atmosphère. Avec mamie on aura quand même eu une belle vie hein ? Et puis on était là avant toi, tu comprends, c’est normal…»
Alors on discute, on aide nos clients à relire leurs habitudes, on échange nos expériences respectives sur le sujet. Parfois après de passionnants et longs débats, on quitte la table en déclarant amusés : « Ce soir on a bien refait le monde, ça va aller beaucoup mieux demain ». Et le lendemain il faut tout reprendre à zéro, ressemer de nouvelles graines…
Parfois je dis à Marie-Hélène que nous devrions nous faire labelliser via un des nombreux labels écologiques possibles pour un hébergement touristique. Elle me dit qu’on ne va pas payer quelqu’un pour qu’il nous dise de faire ce que l’on fait déjà, pour qu’il nous apprenne ce que l’on sait déjà, que l’important pour la planète ce n’est pas que les autres sachent ce que l’on fait, mais bien qu’on le fasse… elle a peut-être raison… elle a surement raison… comme toujours !
Marie-Hélène est une sage – Demandez donc à l’un de vos colibri de créer votre label à apposé sur votre site !
Bises
Jacques