
Et toi Tamalou ?
Dans les premiers mois de notre arrivée dans ce coin du centre de la France, je dois bien vous avouer qu’il nous est parfois arrivé de nous demander si nous avions ouvert des chambres d’hôte ou bien plutôt une maison médicalisée. Puis l’automne est revenu, les feuilles sont tombées des arbres et la clientèle du 4ème âge a disparu temporairement pour ne revenir qu’au printemps suivant. Et oui, c’est comme ça en chambre d’hôte, à chaque saison sa clientèle type. Les retraités sont friands des mois de mai juin et septembre, les familles avec enfant choisissent naturellement les vacances scolaires, les homos séjournent chez nous de préférence en juin ou septembre, la clientèle pro prend le relais en hiver, de mi-juillet à début août les Belges et Hollandais sont là en nombre, en mai et juin les week-ends sont pris d’asso pour mariages et autres cousinades etc…
Bref revenons à nos moutons, ou plutôt à nos retraités. Il n’est pas rare que, si nous n’y prenons pas garde, la table d’hôte se transforme rapidement en concours de tamalou lorsque nos hôtes cumulent un nombre impressionnant d’années de sagesse. Alors qu’une bonne partie du repas avait consisté à ce que chacun raconte par le menu ses problèmes de santé en prenant la précaution de prévenir en préambule « attendez, vous ce n’est rien, moi c’est bien pire », il ne restait plus qu’une personne à ne pas s’être encore exprimée. On se demandait s’il était encore possible de battre le précédent locuteur en matière médicale, la barre était déjà placée bien haute ! Mais la table d’hôte réserve toujours des surprises :
« Attendez, vous ce n’est rien, moi c’est bien pire. Il y a quelques années, ma fille est morte. Elle s’est suicidée… Ca a été très dur pour moi, j’ai fait une dépression et dans le même temps je me suis mise à beaucoup manger. Très vite je me suis retrouvé en surpoids. Cela à fait que je me suis mise à ronfler la nuit. C’était devenu insupportable pour mon mari. La solution est venue d’un appareil a apnée du sommeil. Une sorte d’assistance respiratoire qui supprime au passage les ronflements nocturnes. Mais l’appareil -une sorte de masque qui s’applique la nuit sur le nez et la bouche – était mal réglé, au bout de quelques temps il a produit le déchaussement de toutes mes dents. J’ai maintenant un dentier intégral ». Elle a ri, alors nous avons ri et les autres clients ont ri… Il ne s’agissait pas de se moquer, juste une sorte de catharsis pour évacuer la lourdeur de l’instant. Depuis, quand on a mal par-ci par-là, on repense à elle en se disant qu’il y a toujours quelque-part quelqu’un qui souffre davantage et on rit ! Ca ne soigne rien mais ça rassure…