Mariage plus vieux

Il y a ceux qui sont de passage, dont on se souvient à peine, et puis il y a ceux qui reviennent tous les ans voir plusieurs fois par an. Souvent ils sont assez âgés. Enfin suffisamment âgés pour ne plus avoir envie de faire toute la route d’une seule traite ! Un jour le hasard les a conduits au Domaine de l’Aupenade pour cette pause qu’ils font maintenant toujours lorsqu’ils vont voir leur fille à Paris, ou leur fils à Bordeaux ou bien encore lorsqu’ils vont en cure à Dax ou qu’ils partent en vacances dans les Alpes. L’Aupenade est le lieu idéal pour faire une pause ! Ça partage pile votre route en deux quel que soit votre destination ! D’ailleurs je vous l’avais déjà dit, l’Aupenade se trouve au centre, dans un coin du centre certes, mais au centre ! Et comme le lit est moelleux, la compagnie agréable et la soupe délicieuse… enfin on fait tout pour… dorénavant c’est chez nous qu’ils s’arrêtent à chacun de leur passage.

 

Alors forcément on s’attache ! Parce que même si la clientèle âgée respecte à la lettre l’adage qui dit que l’heure de levée est inversement proportionnelle à votre âge et qu’il faut donc servir les petits déjeuners très tôt, avec le temps on a appris à se connaitre. On a discuté de la vie en long en large et en travers, on a fini par se trouver des connaissances communes, on sait à l’avance quel chambre donné, quels plats éviter. Plus besoin de rien préciser au téléphone au moment de la réservation. Plus besoin même de se présenter, nous reconnaissons la voix ! « Bien sur madame Fenestre, on vous met à Dame-Blanche comme l’autre fois. Et toujours pas d’agneau, ni de fromage de chèvre… ». On s’embrasse chaleureusement à l’arrivée et encore plus chaleureusement au départ. S’ils tombent au moment d’un anniversaire ou d’une communion, ils ne manqueront pas d’apporter un petit quelque-chose, « oh, c’est trois fois rien, mais ça nous fait tellement plaisir ! ».

Monsieur et madame Fenestre, au départ c’était plusieurs fois par an, nous nous demandions même s’ils n’avaient pas fini par s’inventer des prétextes, juste pour passer une ou deux nuits à l’Aupenade ! Mais avoir une clientèle âgée, ce n’est pas bon pour le commerce sur le long terme… Arrivera le jour où ils ne pourront plus prendre la voiture seuls… et même pire encore.

Depuis un an nous n’avions plus de nouvelles des Fenestre…

Au début on n’y pensait pas vraiment… Mais est arrivé notre repas annuel de la « Ruche qui dit Oui ». L’année précédente ils l’avaient raté de quelques jours et en avaient été très déçus. Alors en partant, ils s’étaient assurés de la date « dernier mercredi de juin » et nous avaient dit que cette fois ci ils seraient là ! La fête de la Ruche est arrivée et ils n’étaient pas là. C’est à ce moment que nous nous sommes rendu compte que cela faisait un an que nous ne les avions pas vu. C’est à ce moment là que nous avons commencé à imaginer le pire. Il faut dire que lui avait eu une attaque cardiaque il y a des années de cela. Il s’en était plutôt bien remis, mais…

Nous nous sommes demandé s’il fallait les appeler. Mais qu’aurions nous dit ? « Nous voulions juste savoir si vous étiez encore en vie ? » ou bien « Ca fait longtemps que vous n’avez pas réservé chez nous ! » Tout cela était bien maladroit, alors nous n’avons rien fait. Nous avons juste attendu.

Et en attendant, nous avons aussi pensé à ce couple qui s’étaient rencontrés à 70 ans à un thé dansant, qui s’était marié après cela, qui était venu plusieurs fois chez nous -nous expliquant que le bonheur n’avait pas d’âge- et que nous n’avions pas vu depuis un moment. En attendant nous avons aussi pensé à cet autre couple qui s’arrêtait chez nous lorsqu’ils allaient voir leur fille qui était marié, chose improbable, avec un gars avec qui j’avais été en maternelle et dont la mère avait même été mon institutrice. Ce soir là j’avais sorti une photo de classe et ils avaient joué à retrouver leur gendre parmi les bambins joufflus. Nous nous en reparlions à chaque fois qu’ils revenaient ici : « et surtout vous passez le bonjour à Stéphane ! ». C’était notre rituel ! Eux aussi, cela fait longtemps que nous ne les avions pas vu.

Et puis un jour madame Fenestre a fini par appeler. Elle allait bien et voulait juste réserver une chambre pour cet été sur le chemin de leur cure à Dax. Nous n’avons demandé aucune explication sur leur infidélité, n’avons rien dit de notre inquiétude et avons juste ajouté : « « Bien sur madame Fenestre, on vous met à Dame-Blanche comme l’autre fois. Et toujours pas d’agneau, ni de fromage de chèvre… »

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