Où l’on découvre que Marie-Hélène n’aime pas la répétition

En presque vingt ans de mariage, je vis presque dans sa tête maintenant ! Quand au milieu d’une conversation, survient une remarque sans aucun lien avec ce qui était dit précédemment, une fois sur deux j’arrive à trouver ce qui a pu faire écho dans son esprit et qui a pu déclencher ce saut conversationnel ! Parce oui, il faut le dire, Marie-Hélène a une vie intérieure très riche. Tout ce qui entre un jour dans son esprit y reste enfermé pour un moment ! Mais c’est une prison dorée car tout continue à y vivre sa vie. Une amie a fait un sourire en coin qu’elle a du mal à interpréter sur le moment ? Qu’à cela ne tienne, c’est tout un scénario de série américaine à suspense qui va s’écrire au fil du temps dans son imagination ! Elle a beau lire et relire les 4 accords Toltèques « pas de supposition » , elle ne peut pas s’en empêcher, ça tourne toujours là-haut ! Parfois nous commençons une conversation en démarrant le ménage d’une chambre puis vient un moment de silence. Un moment de silence qui dure un peu. Et soudain Marie-Hélène reprend la parole en semblant poursuivre la conservation précédente mais cela n’a plus aucun rapport avec le sujet du départ. Pourtant, il y a toujours un rapport ! C’est forcément la suite ! C’est juste comme quant à l’école vous deviez faire l’exercice des phrases à trou. Il faut retrouver toutes les pensées manquantes entre les deux phrases exprimées à voix haute. A la fin il y aura toujours une logique, un glissement, un ensemble de sauts de puces qui conduira du point A au point B. Mais plus le silence sera long, plus l’exercice sera difficile !

Parfois pourtant, j’ai l’impression qu’il y a un bug dans la matrice. Nous démarrons une discussion et Marie-Hélène me déclare quelque-chose qu’elle m’a déjà dit un autre jour, en fait plein d’autres fois comme « De toute façon Cold Case c’est pas ce que je préfère comme série ». C’est le « de toute façon » qui la trahit. Quand ça arrive, ce n’est pas Alzheimer, ce n’est pas un problème de mémoire, c’est juste qu’une parole l’a placé sur le chemin d’une pensée intérieure qui l’a conduit à ce sujet précis de réflexion et comme elle est cohérente, la conclusion ne change pas d’une fois sur l’autre. On est dimanche, un des enfants vient de demander ce qu’on allait manger le soir. Dans sa tête elle s’est déjà projeté du dîner à après le dîner. On se regarderait bien une série tranquille dans le canapé. En même temps il faudrait aussi faire du repassage et on voit mal la télé dans la buanderie. On est quel jour au fait ? Ah oui, dimanche, le dimanche c’est Cold Case. « De toute façon Cold Case c’est pas ce que je préfère comme série » Implacable !

Mais cela n’est pas vraiment un problème, parce que Marie-Hélène est logique. Non le problème c’est que de son côté, le client du domaine de l’Aupenade, lui, n’a aucune logique ni aucune suite dans les idées ! Un jour il nous dit qu’il aime regarder la télé, le lendemain il nous dit qu’il préfère faire du vélo et le surlendemain il nous dit ne pas aimer lire. Un jour il nous parle des problèmes avec sa belle-mère et le lendemain il remet ça comme si nous n’en avions jamais parlé. Évidemment, vous allez me dire qu’il a une excuse… parce que ce n’est pas le même client ! Et c’est bien là tout le problème. Parce que le client de l’Aupenade n’est pas une entité, ni une personne unique à multiple facette ni même une communauté de pensée cohérente. Non le client de l’Aupenade est une personne qui change tous les jours sans lien aucun avec ses prédécesseurs. Et comme elle change tous les jours et bien nous, on ne peut pas la faire changer ! Et pourtant on se dit qu’avec le monde que l’on voit passer on aurait pu changer le monde ! Bien sur on essaie quand même, on explique un soir les vertus des circuits-court en alimentation, l’intérêt de la monnaie locale, l’importance d’une réaction rapide et d’ampleur aux dérèglements climatiques. Mais le lendemain, le client a tout oublié, il faut tout reprendre à zéro, comme un instituteur qui serait condamné à faire tous les jours un jour de rentrée avec une classe différente… A cette allure on n’aura jamais fini le programme dans les temps ! Tel le héros du film « un jour sans fin » notre seule marge de manœuvre est de tester et d’améliorer notre manière de présenter les choses lors de cette première rencontre pour la rendre efficace en sachant que le lendemain n’existera pas. Mais pourtant il faudra bien recommencer le lendemain à discuter avec notre classe d’amnésique ! « Et pourquoi avez-vous choisi ce coin du centre de la France ? » Mais vous nous avez déjà posé cette question hier non ? et avant-hier aussi, si je ne me trompe ? Ah bon ce n’était pas vous ? Mais alors c’était donc votre frère ? Et si vous n’en avez point c’était donc un des vôtres !

Et c’est à ce moment-là de l’histoire que l’on découvre que Marie-Hélène n’aime pas la répétition… C’est quand même pas de chance !

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