Sur le fil

La CCI, que nous avions contactée au moment où nous cherchions l’endroit idéal pour notre projet, nous avait donné un seul conseil « Faites une reprise et pas une création de chambres d’hôte. Les banques ne suivent plus les créations ! » Quand on voit la difficulté que nous avons eu à obtenir notre prêt pour une reprise, on peut se dire que c’était effectivement un fort judicieux conseil. Mais c’était un bon conseil aussi pour une autre raison ; faire une reprise de fond de commerce permet de démarrer beaucoup plus vite en s’épargnant les mois de travaux sans revenu mais avec de grosses dépenses.

 

Une fois la chose entendue, nous étions d’accord avec Marie-Hélène pour démarrer vite et ne pas attendre d’être arrivés dans notre coin du centre de la France pour commencer à enregistrer les premières réservations. A partir du moment où le compromis de vente du Domaine de l’Aupenade a été signé, nous avons calé, arbitrairement, une date à partir de laquelle le Domaine serait considéré comme ouvert et pourrait donc accueillir ses premiers clients. Le compromis ayant été signé en novembre, nous sommes restés prudents en fixant une date d’ouverture au 14 mars de l’année suivante, un samedi donc. L’idée était surtout de commencer notre activité en même temps que la saison touristique, un tout petit peu avant même, histoire de se donner un week-end ou deux pour se faire la main.

Ainsi les vendeurs nous faisaient suivre tous les mails de demande de réservation qu’ils recevaient et donnaient notre numéro de téléphone à tous ceux qui les contactaient en direct et nous nous occupions du reste. Alors, depuis notre futur ex-maison de presque banlieue parisienne, nous avons commencé à remplir notre planning de réservation. Il y avait bien des demandes pour avant le 14 mars, mais par principe nous tenions cette date. Rien avant le 14 mars… il y a parfois des intuitions que l’on ne peut pas expliquer…

J’imagine le désarroi des clients lorsque nous leur demandions d’envoyer un chèque d’acompte en presque région parisienne, alors qu’ils réservaient dans un coin du centre de la France. Ça n’envoyait pas du rêve ! Mais ils ne posaient aucune question, ce qui tombait bien car nous n’avions pas vraiment envie de leur donner d’explication.

Mais là n’était pas notre principal problème. Alors que le sujet de notre dossier de prêt n’avançait guère, il y avait un autre sujet qui patinait ; celui de la signature de l’acte définitif de vente. Le notaire, très professionnel, voulait être bien sûr qu’il n’y avait aucun vice caché derrière la vente du fond de commerce. Il avançait pas à pas, les versions de l’acte définitif s’enchainaient une à une, faisaient des aller et retour sans fin entre lui, nous et les vendeurs. Au début, cela nous arrangeait bien. D’abord parce qu’il prenait le temps de vérifier tout un tas de choses auxquelles nous n’aurions jamais pensé, mais aussi parce le compromis de vente avait été signé sans close suspensive liée à notre obtention de prêt… et notre prêt nous ne l’avions pas encore… nous n’avions même pas encore le début d’une piste…

Puis une date a fini par être enfin fixée : signature mi-février. C’était encore jouable avec notre date d’ouverture même si ça nous mettait une pression folle pour le prêt ! Mais à l’approche de la date, nouvel appel du clerc de notaire : « Maitre Soissante ne pourra finalement pas être disponible à la date initialement prévue pour la signature, il faudra décaler de trois semaines ». Trois semaines ? Ça nous emmenait une semaine avant l’ouverture officielle de l’Aupenade, et nous avions déjà plusieurs réservations pour ce soir-là ! Impossible de déclarer, nous n’allions tout de même pas annuler nos premiers clients avant même d’avoir commencé ! Après une négociation serrée il est devenu évident qu’il ne serait pas possible de trouver une date convenable en semaine. La seule issue était de signer le 1 mars à 18h ; un dimanche !

Evidemment c’était une folie : 13 jours pour tout mettre en configuration de location alors que le fond de commerce ne comprenait qu’une petite partie du mobilier des chambres ! Mais si la folie avait suffit à nous arrêter…

Dimanche 1er mars 18h, pendant que nous signons, les 4 enfants nous attendent dans une voiture. Dans l’autre voiture le mobilier et les affaires qui nous permettront de survivre de façon spartiate jusqu’à l’arrivée des camions de déménagement. C’est l’option pour laquelle nous avons opté ; la maison du coté que nous occuperont avec la famille, mérite d’être entièrement repeinte à notre gout. Si nous ne le faisons pas tout de suite, avant que les meubles n’encombrent tout, il nous semble évident que nous ne le ferons jamais. Une fois installés, toute notre énergie devra aller à la partie « chambre d’hôte » de la maison !

19h30, les enfants commencent à s’impatienter mais le rendez-vous se termine. Nous sommes officiellement propriétaires d’un Domaine et du fond de commerce qui va avec. Mais des contingences bien plus matérielles nous ramènent à la réalité. Tout le monde a faim. Nous trouvons péniblement un kiosque à pizza ouvert et faisons le plein : direction notre nouvelle maison.

Un quart d’heure plus tard nous prenons possession des lieux. Il fait nuit noire, on ne visite rien, on déplie juste une table et six chaises dans la salle a manger de la maison d’hôte. Ça raisonne un peu. Plus tard Marie-Hélène avouera qu’à ce moment précis, elle s’est demandé si nous n’avions pas fait une énorme bêtise… Puis, la pizza avalée, nous voila partis pour dormir : les 4 enfants dans une chambre et nous dans une autre, les deux seules chambres à avoir conservé leur mobilier au moment de la vente.

Lundi 9 mars, le camion de déménagement arrive, il reste cinq jours avant l’arrivée des premiers clients. Trois des quatre chambres sont réservées. Ça tombe bien, nous n’avons des meubles que pour trois chambres… enfin à condition que ceux que nous avons commandés sur internet arrivent bien à la date annoncée…

Samedi 14 mars, coup de sonnette, nous sommes pétrifiés, Marie-Hélène n’arrive même pas à aller jusqu’à la porte pour ouvrir. Je m’en charge. Je présente à nos premiers clients leur chambre d’un soir. La tête de lit est celle de la chambre de notre ainé, le matelas est le nôtre, le lit est arrivé hier et a été monté ce matin, mais ça, nous sommes les seuls à le savoir !

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