Y a pas de sot métier

Selon la formule consacrée, « Il n’y a pas de sot métier ». Vous noterez l’ironie de la formule que l’on utilisera de préférence pour se donner bonne conscience à l’évocation d’une profession que l’on trouve justement particulièrement peu reluisante. C’est le genre de choses que vous ajouterez après avoir indiqué que telle personne était caissière ou éboueur ou dame pipi, mais que bon « y a pas de sot métier. Son emploi est beaucoup plus rare à l’évocation d’un médecin, d’un avocat ou d’un enseignant parce que bon « y a pas de sot métier ». Mais partons du principe que ce soit vrai, il n’y a pas de sot métier donc !

 

Cependant il y a des métiers salissants, des métiers reposants, des métiers passionnants, des métiers harassants, des métiers rares et toute autre sorte de métiers suivant la richesse de votre vocabulaire personnel. Nous, avec Marie-Hélène, nous gérons des chambres d‘hôte et pas de chance, ça, ce n’est pas un métier ! Enfin pour nous, bien sur c’est un métier, c’est ce que nous écrivons à la rentrée dans la case « profession des parents » sur les douze fiches de renseignement que nous devons remplir pour chacun des enfants. Mais pour nos clients, ce n’est ni sot, ni salissant, ni reposant, ni passionnant, ni harassant ni rare, ce n’est juste pas un métier.

Comment on le sait ? Facile : tous les soirs ils nous demandent « Et sinon, vous faîtes quoi comme métier ? ». Ba, c’est un peu ce qu’on vous raconte depuis une heure là… on accueille des touristes, on les héberge, on les nourrit, bref on est gérant de chambre d’hôte… « Non parce que souvent se sont des retraités qui font ça pour s’occuper et voir du monde mais là vous êtes trop jeunes pour être retraités non ? Alors vous faites quoi comme métier ? ». J’en viens à douter… finalement je fais quoi comme métier ? C’est une bonne question ça, il serait temps que je me trouve du boulot non ? « Mais les vaches qui sont à côté, elles sont bien à vous ? Vous êtes agriculteurs du coup… » Les vaches, elles sont à Georges, notre voisin qui, lui, à la chance d’avoir un métier, il est agriculteur pour de vrai ! On sent la déception… D’un coup ça devient moins pittoresque, ça sent moins fort le terroir, c’est moins dépaysant. Alors finalement là, au moment où on partage le repas tous ensembles, nous, nous sommes sur notre lieu de travail, nous sommes au boulot ? Finalement on ne fait pas ça que pour le plaisir de casser la croute avec eux mais aussi pour la gagner notre croute. ?

C’est tellement déconcertant que certains n’arrivent même pas à l’envisager, alors surfant sur l’histoire de notre changement de vie et dans l’espoir de nous trouver un vrai métier ils finissent par nous demander « Mais alors, vous faisiez quoi avant de quitter le monde du travail ? » Bon sang, mais on ne l’a pas quitté le monde du travail ! On travaille tous les jours et même bien plus qu’avant ! Nous, on n’aime tellement pas Sarkosy que juste pour lui faire la nique on a choisi la formule « travailler plus pour gagner moins ! ». Ce qu’on a quitté c’est le salariat, mais aux dernières nouvelles nous ne sommes ni à la retraite ni au chômage ni rentiers ! (il faudra quand même que je vérifie !)

 

Chers clients, j’ai le regret de vous l’annoncer : il va falloir s’y faire ; ici nous n’élevons pas de vaches, nous élevons des touristes et nous les engraissons à la cuisine locale… après tout, y a pas de sot métier !

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